Avons nous besoins de colonies?
Article paru dans le Leipziger Volkszeitung le 4 décembre 1899.
Les nouveaux projets concernant la marine et la politiquer coloniale sont avant tout justifiés, on le sait, par la nécessité de notre commerce. A cela il faut encore et toujours répondre, comme le faisait Mr Bounderby dans les ” Les temps difficiles” de Dickens; “des faits et des chiffres ! Des faits et des chiffres!”
Les statistiques les plus récentes du commerce extérieur allemand publiées dans l’officiel « Statistiques de l’empire allemand », jettent de nouveau une lumière décisive et intéressante sur la question. En 1898, nos échanges de marchandises vers les différentes parties du monde se sont présentées ainsi :
Importations | Exportations | |
Europe | 3 577 999 | 3 429 917 |
Amérique | 1 329 216 | 541 774 |
Asie | 339 336 | 172 157 |
Afrique | 101 168 | 67 362 |
Australie | 88 295 | 35 081 |
En milliers de marks
Plus des neuf dixièmes de l’ensemble de notre commerce extérieur se se fait donc avec les pays européens et l’Amérique, contre lesquels nous n’avons utilisé nos torpilleurs ni pour établir nos échanges commerciaux ni pour les développer ou les consolider. L’extension de nos échanges de marchandises avec ces pays est liée bien au contraire directement à notre politique commerciale. Ce qui est caractéristique en particulier, c’est le recul de nos exportations vers l’Amérique de 609 millions de Mark en 1897 à 541,8 en 1898, à la suite sans aucun doute de la politique prohibitive de la politique douanière sur les produits industriels, qui représente de la part des États-Unis la réponse à nos taxes douanières sur les produits agricoles.
Mais il est encore plus intéressant d’apprendre que sur ce continent où nous avons déjà des colonies, ces” territoires protégés” ne comptent que pour extrêmement peu dans notre commerce. Les échanges de marchandises de l’Allemagne vers les principaux territoires d’Afrique ont connu cette dernière décennie le développement suivant:
Importations | Exportations | |||
Egypte | 2,O | 24,6 | 2,9 | 11,7 |
Le Cap | 13,6 | 19,8 | 7,5 | 14,7 |
Afrique occidentale anglaise, française ou portugaise | 16,1 | 33,4 | 4,4 | 11,3 |
Afrique orientale anglaise, française ou portugaise | 2,9 | 5,5 | 1,3 | 3,0 |
Afrique occidentale et du sud-ouest allemande | 4 4 | 3,8 | 4,2 | 7,3 |
Afrique orientale allemande | 0,3 | 0,6 | 0,3 | 3,3 |
1889 | 1898 | 1889 | 1898 |
En millions de Mark
Par rapport au commerce avec l’Égypte,le Cap ou les territoires anglais, français ou portugais d’Afrique, nos colonies jouent un rôle ridiculement minime.
Ce qui apparaît à partir des faits et des chiffres ci-dessus avec toute la clarté souhaitée, c’est que notre commerce extérieur se passe parfaitement de toute notre flotte de combat. Si l’on veut mener une politique mondiale, qu’au moins l’on ne se cache pas hypocritement derrière les “intérêts commerciaux”.
Traduction Dominique Villaeys-Poirré. (1988-1989). Nous sommes ouverts à toute amélioration de la traduction. Première publication en français – Dimanche 26 octobre 2014 sur ce site Comprendre avec Rosa Luxemburg 2.
Texte allemand : dans les Gesammelte Werke, Dietz Verlag, Edition 1970, Tome 1/1.P 642 – 643
Référence de l’article : http://comprendreavecrosaluxemburg2.wp-hebergement.fr/2014/10/26/rosa-luxemburg-avons-nous-besoins-de-colonies-leipziger-volkszeitung-le-4-decembre-1899-inedit/
Illustration de une: http://fr.wikipedia.org/wiki/Empire_colonial_allemand#mediaviewer/File:100_Rupien_de_l%27Afrique_de_l%27Est_%C3%A9dit%C3%A9s_sous_domination_allemande_le_15_juin_1905.jpg
http://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Temps_difficiles#mediaviewer/File:Hardtimes_serial_cover.jpg