” L’idée est d’évoquer, chacun à sa mesure, la pensée foisonnante et la vie de Rosa Luxemburg. ”
Sabrina Lorre dirige l’Ensemble Romana. En mai 2012, il avait organisé à Saint-Etienne (en partenariat avec l’association Petits Travaux et le Chok Théâtre) la Quinzaine Brautigan, rendant hommage à l’écrivain et poète américain. En mai 2014, une autre quinzaine aura donc lieu, sur le même principe (lectures, débats, déambulations, expositions…), autour de la vie et l’oeuvre de Rosa Luxemburg. Ce chantier a été présenté le 5 novembre au Chok Théâtre au cours d’une soirée de très bon augure.
Des propositions, des envies…, contact: ensemble.romana@gmail.com

Une marelle dans la ruelle. Les noms inscrits sont ceux d’Olympe de Gouges (lire), Flora Tristan, Louise Michel, Rosa Luxemburg, Clara Zetkin, Hannah Arendt et Rosa Parks. Signalons en passant que Louise Michel et Flora Tristan sont venues à Saint-Etienne. Flora Tristan, en 1844, avait été dégoûtée par la ville et ses habitants. Quant à Rosa Luxemburg, on sait qu’elle s’intéressa à la situation stéphanoise en 1909. Dans une lettre citée par Claude Cherrier*, adressée à Jogiches, elle indique avoir reçu un courrier de Bracke (Alexandre-Marie Desrousseaux, membre du Parti Ouvrier Français). ” Il m’enverra dans quelques jours un article sur Saint-Etienne”, écrit-elle.
Rosa Luxemburg en bref
Polémiste, écrivain, révolutionnaire, Rosa Luxemburg a occupé une position privilégiée dans le mouvement socialiste international des vingt premières années du XXe siècle. Théoricienne de l’action politique, elle a aussi pesé directement sur le cours des événements.

Elle naît en 1870 dans la partie russe de la Pologne. Elle milite très tôt dans la social-démocratie. Ayant fui en Suisse, elle prend contact avec les partis socialistes occidentaux dont elle rencontre les dirigeants. Dotée d’une très grande culture dans divers domaines (en sciences naturelles notamment), elle connaît les partis ouvriers de l’Est et de l’Ouest et peut discuter dans leur langue à la fois avec Jaurès et Lénine. En 1899, elle fait paraître une série d’articles sous le titre Réforme sociale ou révolution ?
Elle prend la nationalité allemande en contractant un mariage blanc et anime l’aile gauche du SPD, lequel devait éclater en trois fractions – Majoritaires, Centristes et Spartakistes – d’où naîtront, quelques années plus tard, des partis distincts: le SPD, l’USPD (Socialistes indépendants) et Communistes. En septembre 1904, elle est incarcérée une première fois après une condamnation pour outrage à l’empereur Guillaume II. Elle publie en 1913 L’Accumulation du capital. En 1916 paraît la première des dix lettres de Spartakus qui inaugurent le rassemblement des socialistes minoritaires opposés à l’Union sacrée et que renforce la publication d’un ouvrage de Rosa Luxemburg (édité à Zurich): La crise de la social-démocratie.
Elle est à plusieurs reprises condamnée pour son activité antimilitariste et c’est entre quatre murs qu’elle passe la majeure partie de la guerre. Dès sa sortie de prison, en novembre 1918, elle se charge de la rédaction du journal Le Drapeau rouge. Elle meurt en janvier 1919, assassinée après avoir été arrêtée par des soldats des corps francs berlinois lors de la répression du mouvement spartakiste. Ses derniers mots, couchés sur le papier à la fin d’un article, auraient été: ” J’étais, je suis, je serai !”

Détail d’un des dessins d’Emilie Weiss exposés au Chok Théâtre lors de la présentation du chantier. Emilie Weiss évoque le corps végétal et la violette du poème de Goethe, cité par Rosa Luxemburg dans une de ses lettres. De son herbier et sa dépouille, il avait été question en 2009 quand un mystérieux cadavre sans tête avait “refait surface” dans les sous-sols d’un hôpital de Berlin…
“L’essentiel est d’être quelqu’un de bon ! Si on est bon, juste bon, tout se résout et se tient, et c’est bien mieux que toute l’intelligence et l’obstination du monde.” (lettre à Hans Diefenbach, 5 mars 1917)
” (…) Et dans cette atmosphère fantomatique, soudain, le rossignol qui était sur l’érable devant ma fenêtre se mit à chanter !! Au milieu de la pluie, des éclairs, du tonnerre, il carillonnait clair comme une cloche; il chantait comme s’il était ivre, possédé, il voulait couvrir le bruit du tonnerre, éclairer ce crépuscule – jamais je n’ai rien entendu de plus beau. Sur le fond du ciel, tantôt plombé, tantôt pourpre, son chant étincelait comme de l’argent. C’était si mystérieux, si inconcevablement beau. – Sans le vouloir, je répétais le dernier vers du poème de Goethe: Ah, si tu étais là !…” (lettre à S. Liebknecht, 3 juin 1917)
Rosa Luxemburg a écrit de nombreuses lettres, en particulier lors de sa détention, d’une grande diversité mais toujours d’un naturel transparent. Elles furent adressées à Léo Jogiches, Kostia et Clara Zetkin, Hans Diefenbach, Mathilde Jacob, sa secrétaire, Sophie Liebknecht, seconde épouse de Karl Liebknecht (l’autre martyr de 1919), ou encore Luise Kautsky… Celle-ci, comme Mathilde Jacob, trouva la mort dans un camp nazi.
” Dans sa cellule, elle était un défi à toutes les pesanteurs”, a écrit Anouk Grinberg**. ” Jamais je n’ai vu de présence au monde plus irriguée et plus libre, zigzaguant des sciences à la littérature, de la morale aux animaux, des plantes à l’histoire, etc. Elle n’était pas non plus en friche du côté des sentiments: aucun ne lui était étranger. Elle pouvait tout souffrir, sauf la peine des autres…”
* “Rosa Luxemburg et Saint-Etienne”, dans le cahier d’histoire n°9 de l’IHS Benoît Frachon (2005)
** Rosa, la vie (textes choisis par Anouk Grinberg, 2009). Un autre recueil: Lettres à Sophie (2002)
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