“Les travailleurs supportent leur misère dans le calme parce que le gouvernement se nomme républicain. Ce mot exerce une influence magique sur l’esprit des travailleurs, cette supercherie les maintient dans l’espoir”. “Les enseignements des trois Doumas”, mai 1908. Rosa Luxemburg et la Commune (19)

“Mais l’histoire appela pour la troisième fois le prolétariat français à accomplir la révolution bourgeoise et fit de lui l’initiateur de la Commune de Paris de 1871 – et de l’actuelle république française. La Troisième République que l’on explique de la façon la plus simple comme une conséquence naturelle, née d’elle-même sur les ruines morales et militaires du Second Empire lors de la guerre contre la Prusse, était en réalité le résultat de causes bien plus profondes, avant tout de la Commune de Paris ainsi que de tout un siècle de révolutions. La constitution républicaine et le gouvernement républicain de la France moderne – il ne faut pas l’oublier – sont issus d’une Assemblée constituante à majorité monarchiste. Et tout comme les élections de février 1871 ont donné la prépondérance aux monarchistes, la réaction la plus sanglante et la plus sauvage a prévalu dans toute la politique de cette honorable Assemblée qui a tenu pendant quatre ans la barre politique de la France, surtout après l’anéantissement de la Commune. Le climat politique de cette France bourgeoise, de la France de Thiers et de Favre, a été décrit de façon classique par Jules Guesde dans son remarquable pamphlet de 1872, dans lequel il dénonce le crime de Versailles et qualifie la France de ” république sans républicains”.  La France bourgeoise de 1871 était une république sans républicains, tout comme celles de 1792 et 1848. Et si néanmoins cette même bourgeoisie réactionnaire et monarchiste a fondé la Troisième république et cette fois pour toujours, la raison essentielle en était d’une part la peur du prolétariat, la conviction donc après un siècle de révolution que le prolétariat momentanément vaincu ne pouvait être pacifié que par une constitution républicaine, et d’autre part la certitude que le prolétariat vaincu cette fois ne pourrait reprendre la barre de la République pour apporter le désordre dans cette société bourgeoise avec ses fantasmes « sociaux » et ses volontés de subversion. Le journal “Rappel” a dévoilé clairement ce secret de la Troisième république dans son du 4 avril 1874. On peut y lire : les travailleurs supportent leur misère dans le calme parce que le gouvernement se nomme républicain. « ce mot exerce une influence magique sur l’esprit des travailleurs, cette supercherie les maintient dans l’espoir ».

Les enseignements des trois doumas, mai 1908, Traduction Dominique-Villaeys-Poirré, le 15.02.2021

“La Troisième république …. était en réalité le résultat de causes bien plus profondes, avant tout de la Commune de Paris ainsi que de tout un siècle de révolutions.”. Cette citation est extraite d’un texte essentiel pour la compréhension de Rosa Luxemburg de la Commune de Paris : “Les enseignements des trois doumas” écrit en mai 1905. Dans ce texte, Rosa Luxemburg tire les leçons de l’action des Doumas (Parlement russe) lors de la révolution de 1905. On peut y lire clairement les raisons de son refus de l’assemblée constituante en 1918 : les trahisons répétées par la bourgeoisie des forces révolutionnaires, trahison du prolétariat qui s’était déjà produite pendant la révolution française de 1789, en 1848, en 1871 et est en cours avec la social-démocratie majoritaire en cette fin d’année 1918 en plein processus révolutionnaire. Si la bourgeoisie instaure le régime républicain, c’est pour masquer la réalité de son oppression, son maintien du système capitaliste. Elle utilise le mot magique de République pour endormir le prolétariat, pour que le prolétariat abandonne ses fantasmes de révolution, pour s’assurer définitivement la victoire sur un prolétariat vaincu. Soulignons que ce n’est pas la République en soi que Rosa Luxemburg combat, bien au contraire elle en fera un thème majeur de son action à partir de 1910 contre l’avis de la social-démocratie majoritaire (!) (Cela n’est pas sans rappeler le maintien de la monarchie espagnole après le franquisme et l’existence aujourd’hui d’innombrables monarchies dans les pays d’Europe dits démocratiques!)

“Les travailleurs supportent leur misère dans le calme parce que le gouvernement se nomme républicain. Ce mot exerce une influence magique sur l’esprit des travailleurs, cette supercherie les maintient dans l’espoir”

Le numéro du journal Le Rappel auquel fait allusion Rosa Luxembourg

“On peut trouver sur Gallica le numéro du rappel, les mots dont elle s’inspire sont dans un article sur le travail : “Toutes ces privations, toutes ces inquiétudes, toutes ces souffrances sont supportées stoïquement par l’effet d’un seul mot, et de ce mot seul, c’est-à-dire sans la chose, car le mot en question est République. Bien que les lois républicaines laissent actuellement place à d’autres lois, le mot est magique sur l’esprit des travailleurs. Ce mirage le fait espérer, il produit sur eux une intime satisfaction morale qui réagit sur le physique et comprime les plaintes bruyantes. Tout au plus avoue-t-on le quart des besoins.” https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k7533605h/f3.item.r=magique.zoom#

 

 

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